8 octobre 2017

Colin O'Sullivan, "Killarney Blues" : while my guitar gently weeps...

Colin O'Sullivan est un artiste irlandais aux multiples talents - comédien, poète -. Il vit au Japon où il enseigne l'anglais, et Killarney Blues est son premier roman. Comme son titre l'indique, son action se déroule dans la jolie ville de Killarney,  aux portes du Parc national du même nom, au sud-ouest de l'Irlande. Killarney, ses jolies maisons, ses petites rues pavées, son château, ses calèches, ses pubs, sa musique irlandaise, ses touristes venus du monde entier. Et puis Bernard Dunphy. La trentaine, l'allure d'un ado attardé, vêtu d'un gros manteau noir qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il fasse soleil. Bernard vit encore avec sa mère Brigid et leur vieille jument Ninny. Il gagne sa vie en tant que jarvey, c'est-à-dire qu'il promène les touristes dans sa carriole, aux rênes de Ninny. Il a une passion, celle que lui a transmise son père mort noyé dans des circonstances un peu troubles alors qu'il était enfant : le blues, le vrai, celui du Delta. Et ce qui va avec : la guitare. Il vit blues, dort blues, aime blues. 
Dans la bonne ville de Killarney, tout le monde le connaît : il est un brin bizarre Bernard, gentil mais un peu... différent comme on dit. Dans sa vie, il y a donc sa mère Brigid, sa jument Ninny, sa vieille et précieuse Gibson. Et puis Marian. Celle dont il voudrait faire sa princesse, qu'il voudrait gâter, épouser, rendre heureuse. Manque de chance, Marian l'aime bien, mais c'est tout. Il faut dire qu'il ne correspond pas à l'idéal masculin d'une fille comme Marian. Trente ans à peine, Marian se sent déjà vieille, et lorsqu'elle sort avec ses amies, c'est leur principal sujet de conversation. Les soirées bien arrosées au pub, la danse, les mecs d'un soir, les gueules de bois du dimanche, c'était parfait il y a dix ans. Aujourd'hui, elles sont un peu inquiètes sur leur avenir. Vu que les hommes qui les intéressent auraient plutôt tendance à lorgner du côté des filles plus jeunes, plus fraîches, plus fermes. Exactement comme la célébrité locale, vedette du football, grand amateur de voitures voyantes et d'aventures multiples, le beau Jack Moriarty, tombeur invétéré mais pas dans le genre romantique. Plutôt dans le style brute épaisse... Etrangement, Jack est ami avec Bernard. Et enfin, la jolie Laura, texane en vacances en Irlande.

Muckross Park, Killarney (photo CDD)

Les personnages sont en place. Colin O'Sullivan va maintenant pouvoir dérouler son histoire. Une histoire triste et belle, faite d'allers-retours dans le passé. La mort est au rendez-vous, et plus d'une fois. Tout au long de Killarney Blues, l'auteur tourne une page, celle de la vie d'avant. Mais pour la tourner, cette page, il va falloir que les protagonistes affrontent la douleur, l'amour déçu, la violence, les paradis d'enfance perdus. Les secrets du passé vont ressurgir; impitoyables, et ce sont eux qui vont définitivement clore cette période de la vie de Bernard. Le blues est là, omniprésent, aussi important dans l'ambiance mélancolique et fragile du livre que le sont les paysages irlandais et les caprices du temps qu'il fait. On se promène là-bas, à Killarney, sous un soleil radieux, puis sous la bruine et le brouillard. Entre-deux, entre passé et présent, vie et mort, amour et haine. Dans un style tantôt lumineux, tantôt direct, tantôt poétique, Colin O'Sullivan trace son sillon narratif, crée des personnages incroyablement présents et attachants, et entraîne son lecteur, sur douze mesures de blues, vers une conclusion déchirante.

Colin O'Sullivan, Killarney Blues, traduit par Ludivine Bouton-Kelly, Rivages
Si vous voulez écouter Colin O'Sullivan lire le premier chapitre de Killarney Blues, c'est par là !

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