23 novembre 2016

"Noir sur la ville" à Lamballe soufflait ses vingt bougies

Ce week-end, le festival Noir sur la ville de Lamballe (22) soufflait ses 20 bougies. L'an passé, la manifestation avait été annulée suite aux attentats de Paris, et même si beaucoup d'auteurs étaient restés à Lamballe par amitié, la tristesse avait gagné la partie... Cette année, Noir sur la ville fêtait donc son vingtième anniversaire et accueillait l'assemblée générale de l'association 813, ainsi que la remise des Trophées 813. C'est dire si l'association Fureur du noir, organisatrice de la manifestation, avait tout mis en œuvre pour que le festival soit un succès. En arrivant à la salle municipale samedi après-midi, c'est peu dire qu'on était rassuré... Une foule de visiteurs était au rendez-vous, se bousculant devant les tables où les auteurs dédicaçaient tout en prenant le temps d'échanger avec leurs lecteurs. Sans oublier l'ambiance particulièrement festive, avec des auteurs heureux de se retrouver, des organisateurs aux anges malgré la pression et l'affluence, et une équipe de bénévoles absolument formidable. Quelques souvenirs en images et en mots.



François Guérif et Christian Roux

Franck Bouysse

Sophie Hénaff et Caryl Férey


Jérôme Leroy et Benoît Séverac

Patrick Delperdange et myself

Michael Mention


Jean-Hugues Oppel

Patrick Delperdange

Sophie Loubière


Stuart Neville

Franck Thilliez

Tim Willocks

Tim Willocks

Tim Willocks, Jérôme Leroy et Michael Mention

Tim Willocks et Hervé Sard
Table ronde  "Histoire et polar" avec Patrick Pécherot, Hervé Le Corre et Stuart Neville. Extraits

Patrick Pécherot, Hervé Le Corre, Stuart Neville

Interrogé sur le choix de l'époque où se situe son roman Ratlines (Rivages, traduit par Fabienne Duvigneau), Stuart Neville, à savoir Dublin, en 1963 : "Il est question d'un nazi célèbre venu s'installer en Irlande en 1959. A cette époque-là, l'Irlande commençait seulement à regarder vers l'extérieur, à se moderniser... Le terme ratlines, à l'origine, désignait ces cordages entre les mâts de bateaux auxquels les marins refusaient de grimper. Le terme a évolué pour désigner les filières qui permettaient d'exfiltrer les nazis après la guerre.  Au moment de la Deuxième guerre mondiale, l'Irlande avait dû faire face, consécutivement, à la Première guerre mondiale, à la guerre d'Indépendance et à la guerre civile. Ajoutez à cela une méfiance certaine envers les Anglais... le pays n'était pas en état de combattre, tout simplement.  Cent mille Irlandais sont quand même partis combattre auprès des Anglais, ce n'était pas si inhabituel. Beaucoup de collaborateurs se sont réfugiés en Irlande après la guerre, peu d'Allemands, quelques Hollandais et des Bretons aussi... On retrouve d'ailleurs dans le roman le personnage historique et controversé de Célestin Laîné, le militant nationaliste breton : je l'ai choisi parce que c'était un personnage assez connu, sur lequel il était plus facile de se documenter...  Le personnage d'Albert Ryan se retrouve donc à enquêter et à devoir protéger Otto Skorzeny, ancien nazi "dénazifié" réfugié en Irlande...Albert Ryan a toujours été dans l'armée, depuis son adolescence. Tout à coup, il est obligé de sortir de la caserne, d'aller dans la vraie vie. C'est très difficile pour lui. Il se retrouve très isolé, dans une classe sociale qu'il ne connaît pas. C'est encore un autre combat. Mais la violence qu'on trouve dans le livre est pure fiction... ."

Le roman de Hervé Le Corre, Après la guerre (Rivages), se situe à Bordeaux à la fin des années 50 (voir la chronique ici). "C'est la période à laquelle la guerre d'Algérie est en train de prendre son essor. De plus, on est encore très proches de la IIe guerre mondiale et de la Shoah. Depuis longtemps, je voulais parler de cette période mais je ne savais pas comment m'y prendre. Cetté période charnière m'a paru intéressante. Quant au choix de Bordeaux, eh bien j'y vis, je connais bien... Mais aussi c'est une ville qui a toujours su organiser son amnésie collective, passer son silence son passé esclavagiste, cette prospérité du XVIIIe siècle qui fait aujourd'hui la beauté de la ville, mais qui trouvé sa source dans le commerce triangulaire de l'esclavage... Amnésie sur la période de l'occupation, avec l'affaire Papon qui est venue soulever le couvercle sur des affaires qu'on avait tenues bien cachées : les élites industrielles et économiques se sont littéralement vautrées dans la collaboration. 
Le personnage de Darlac était un policier modèle : il a toujours obéi aux ordres... Qu'attend-on d'un policier? Qu'il obéisse aux ordres. Cet homme-là se double d'un personnage d'un opportunisme absolu : il chercher à profiter de toutes les occasions pour gagner de l'argent, profiter des femmes, etc. De par les facilités qui lui sont données, c'est le salaud absolu.. Ce n'est pas un nazi, ni un pétainiste, ni un militant fasciste, il se fiche complètement de la politique. Pour lui, à quoi bon risquer sa vie à faire de la résistance alors qu'il est tellement plus facile de se ranger du côté du vainqueur. La police bordelaise, dans les années 50, a entretenu avec le milieu des relations d'interpénétration. Ils se tenaient chacun par la barbichette, et ils sont parvenus ainsi à maintenir un ordre précaire et apparent dans Bordeaux. On n'a jamais connu à Bordeaux de milieu violent et explosif comme à Marseille. Pendant des années, la police bordelaise a joué là-dessus, avec une police qui en croquait et des truands qui balançaient allègrement leurs petits camarades dès que ça devenait un peu chaud. Et quand certaines bandes commençaient à faire un peu trop parler d'elles, on s'arrangeait pour qu'elles s'éloignent. C'est un fait connu. 
Et puis il y a le jeune homme, Daniel. C'est un peu le roman d'initiation de Daniel, orphelin de la guerre, adopté par des voisins car ses parents ont été déportés. Tout au long du roman, Daniel va se former. Ce personnage est un point de rencontre entre Darlac et le mystérieux personnage, André. Je voulais aussi parler de la guerre en tant qu'expérience de la violence. Daniel vit avec son deuil impossible, et il part en Algérie, parce que pour lui c'est une aventure qui va peut-être donner du sens à sa vie. J'ai voulu imaginer l'expérience de la violence vécue par un garçon comme celui-là : il va aimer la violence, être fasciné. Son parcours va jusqu'à l'expérience ultime, avec une forme de rédemption à la fin. Je ne voulais pas de personnage exemplaire. Je voulais parler d'un soldat qui a fait la guerre et qui a aimé ça à un moment donné. Le personnage de André est un des rares rescapés d'Auschwitz. Il tient un journal intime qui raconte sa propre histoire. Dans le premier chapitre que je lui consacre, j'ai voulu essayer d'approcher l'histoire en m'interrogeant sur la façon dont les rescapés avaient pu, ou pas, refaire leur vie. Ce chapitre commence par la phrase suivante : "Un jour, je suis mort." Cet homme-là n'arrive pas à se sortir de l'esprit que, finalement, il est mort, et que toute la vie qu'il continue de poursuivre n'est qu'illusion. D'ailleurs, ce livre, j'aurais voulu l'appeler "Les revenants", mais c'était déjà pris... Daniel, lui aussi, se demande s'il existe vraiment. J'ai été très précautionneux, parce que je voulais pas m'approprier une histoire qui n'était pas la mienne, jouer les détrousseurs de cadavre. Et curieusement, j'ai écrit ces passages-là avec beaucoup de facilité, je ne sais pas pourquoi."



Patrick Pécherot, auteur à la Série noire de Une plaie ouverte, s'exprime sur l'origine de ce projet d'écriture. "C'est Aurélien Masson, le directeur de la Série noire, qui m'a orienté vers cette période de la Commune de Paris. J'avais déjà publié un texte sur le sujet, mais en collection blanche. Il m'a demandé de réfléchir à un roman noir sur fond de Commune, à l'occasion du 70e anniversaire de la Série noire. Cela me permettait de travailler sur deux thèmes qui me passionnent : la mémoire sociale, la mémoire des individus et comment elle transforme ce que les individus ont pu vivre. Et le passage de l'idéal à l'idéologie, qui est aussi un sujet qui me préoccupe. J'ai donc choisi la Commune et la guerre de 1870, complètement oubliée alors qu'elle portait en germe les guerres à venir. 
La présence de Rimbaud dans le livre ? C'est uniquement pour me faire plaisir, ça n'a rigoureusement aucune incidence sur le livre. Simplement, la sœur adoptive du héros adore la poésie et lui en parle. A l'armée, il rencontre un camarade de combat qui, lui, est un fou de poésie et n'arrête pas d'en citer. Et ce type, Giovanni, chaque fois qu'il est face à une situation compliquée, essaie d'expliciter sa compréhension du monde par la poésie. Je n'ai pas voulu aborder la Commune de front. J'ai souhaité des personnages vieillissants, qui ont vécu une grande aventure et qui reviennent dessus avec leur mémoire. J'ai voulu un côté crépusculaire, avec les illusions perdues. D'où la construction circulaire du roman, avec des retours en arrière. Le personnage cherche à retrouver un homme et engage un détective privé qui pense avoir retrouvé la trace de cet homme dans le sillage de Calamity Jane et du spectacle de Buffalo Bill. Cette construction éclatée permet de suivre les méandres d'un personnage à travers les méandres de la mémoire de son ancien compagnon. Je me suis aussi intéressé à la naissance du cinéma, avec ces petits films qui étaient projetés dans les foires. J'ai travaillé sur l'illusion : qu'est-ce qu'on fait d'un événement qu'on a vécu trente ans après ? Comment se transforme-t-il ? Qu'est-ce qu'on y greffe ? L'illusion des fantômes, ceux qu'on a croisés dans sa propre vie... Pour moi, l'image de la pellicule est extraordinairement propice à l'évocation des fantômes...

Les Trophées 813
Dimanche, l'association 813 remettait ses Trophées annuels. C'est un Christian Roux très ému qui a reçu des mains de Hervé Le Corre, le lauréat 2015, le Trophée du roman francophone pour son roman Adieu Lili Marleen (Rivages), sur lequel nous reviendrons bientôt à l'occasion de sa sortie en poche. 

Christian Roux reçoit son Trophée des mains de Hervé Le Corre
  • Trophée romans étrangers, prix Michel Witta : Jo Nesbo, Le Fils, Série Noire Gallimard, traduit du norvégien par Hélène Hervieux
  • Prix Maurice Renault C'est l'histoire de la Série Noire, Collectif, Gallimard, édition publiée sous la direction d'Alban Cerisier et Franck Lhomeau avec la collaboration d'Aurélien Masson, Claude Mesplède, Patrick Raynal et Benoît Tadié. Avant-propos d'Antoine Gallimard
  • Trophée Bande Dessinée : Les Nuits de Saturne, dessin Pierre-Henry Gomont d'après Carnage constellation de Marcus Malte, éd. Sarbacane

Table ronde "Le polar à la campagne", avec Denis Flageul, Franck Bouysse, Gérard Alle et Patrick Delperdange

Denis Flageul, Franck Bouysse, Alain Le Flohic, Gérard Alle et Patrick Delperdange

Patrick Delperdange : "Je ne connais pas la campagne, je vis en ville depuis longtemps. Pour ce bouquin (Si tous les dieux nous abandonnent, Série noire Gallimard - voir chronique et interview ici), je me suis dit qu'il fallait que je trouve quelque chose de très angoissant. Et ce qui m'inquiète le plus, ça n'est pas une ville la nuit, ça n'est pas une rue où on se balade à 3 heures du matin, c'est plutôt une forêt la nuit. D'abord ça a été un arbre, puis trois arbres, et quand la nuit tombe, c'est pire... Et puis il  y a ces bruits d'animaux... Donc pour moi, le décor le plus angoissant, c'était la campagne, les champs, quand on y croise personne. Par rapport à mes camarades, je suis un peu à part. Je sais que Franck, par exemple, vit à la campagne et coupe du bois tous les jours. Fait-on vraiment partie de la même espèce ?
Nous vivons dans des mondes différents, mais dans le même monde en même temps. Finalement, le territoire n'a pas d'importance. C'est l'humain qui compte. On essaie de toucher les gens, de leur procurer une certaine émotion. Quand je suis dans ma petite pièce à Bruxelles, le matin, quand je me mets au travail, je me demande à quoi ça sert. J'ai l'impression que, quand on écrit, si on n'est pas touchés nous-mêmes, ça ne sert à rien. Parvenir à toucher quelqu'un qu'on ne connaît pas, c'est comme si on décidait qu'on fait partie de la même espèce. On appartient à une espèce très particulière, une espèce qui pleure. Je pleure souvent, je ris, j'ai des émotions. Si notre travail a un sens, c'est celui-là. Le territoire, pour moi, c'est finalement assez anecdotique.
Alain Le Flohic, Gérard Alle et Patrick Delperdange
Gérard Alle (auteurs de romans, livres pour enfants, livres d'art, directeur de la collection "Léo Tanguy" chez Coop Breizh, puis La Gidouille): En fait, j'ai surtout vécu en ville. Je suis né à Bègles, près de Bordeaux. J'avais une grand-mère bretonne chez qui je passais mes longues vacances d'été, qui ne parlait que le breton. Elle avait une mémoire d'éléphant, et me racontait des histoires qui me fascinaient. Quand, de retour en ville, j'essayais de raconter ces histoires, je m'apercevais que les gens s'en foutaient. J'en ai conçu, peut-être, une frustration qui m'a donné envie d'écrire sur la campagne. D'ailleurs, dès que j'ai été majeur, je me suis installé à la campagne. Et je situe mes histoires dans ce milieu-là, surtout depuis qu'on a ces histoires d'agro-alimentaire... Aujourd'hui, quand je m'aperçois que mes copains en ville ont des ruches qui donnent plus de miel qu'à la campagne, je me dis qu'on a sans doute un problème. Et puis il y a cette fascination de l'enfance : pour moi, la campagne n'est pas un décor, mais un personnage à part entière. J'aime aussi triturer la langue populaire, j'aime les accents, la diversité biologique et humaine.
J'aime bien les personnages de tenancières de bistrots de villages : ces lieux-là sont les agoras locales, c'est là où les tensions s'expriment. Pour moi, le territoire est un personnage car les hommes sont en dialogue avec lui. Dans mon roman, les personnages sont en dégoût du territoire. Ce personnage qui vient de la ville voisine, ce jeune journaliste qui travaille dans une radio locale, affirme que sans le bistrot, il ne pourrait pas vivre. Dans le roman, c'est la patronne du bistrot qui mène la danse, mine de rien. C'est elle qui trouve le mot qu'il faut pour donner à l'autre l'envie d'aller plus loin. J'ai fait un livre documentaire, et j'ai rencontré beaucoup de personnes comme celle-là. Elles ont construit une connaissance de l'âme humaine qui leur permettent de communiquer avec l'autre. 

Franck Bouysse
Franck Bouysse (voir chroniques et interviews ici) : Je ne suis pas sûr d'avoir envie de faire partager mon amour de la nature. J'ai grandi dans ces milieux-là et ils m'ont imprégné. Depuis une dizaine d'années, je me sens appelé... Je parle de cette terre, de ces gens qui y vivent. Quand Harrison parle des Indiens, il dit qu'il s'agit de donner la parole à ceux qui n'en n'ont pas, je suis entièrement d'accord. On ne part pas d'un territoire pour raconter une histoire, il faut des personnages forts, c'est le plus important. Je pense que tout ce qu'on doit vivre d'émotions fortes, c'est terminé à l'adolescence. Et on passe tout l'âge adulte à courir après ça. Je mets mes mots d'adulte sur mes émotions d'enfance. Si je ne vis pas des émotions quand j'écris, je pose le stylo, ça ne m'intéresse pas. C'est de l'ordre de la minéralité, de l'organique, et ça prend une énergie folle.
Comment les humains sont-ils plaqués sur le territoire ? Il s'agit de lieux très sauvages, les Cévennes ou le Plateau des Mille-vaches, où il ne reste plus grand-monde... Mais les problèmes économiques dont parle Denis, je m'en abstrais. La grande question pour moi, c'est la disparition. L'administration est en train de "gommer" les étangs, ces étangs qui ont été créés au fil du temps par les paysans. On est en train de gommer le territoire, et je trouve cela d'une tristesse absolue. Il faut rester humble : on n'est pas plus dur que la roche... Qu'est-ce qui est le plus important ? C'est l'émotion, le personnage, l'histoire. Pour moi, la nature n'est pas un personnage, c'est une sorte de halo dans lequel s'inscrivent mes personnages.
Je ne me pose pas la question de savoir si je vais toucher les gens. Mais j'ai besoin de savoir si ce que j'écris me touche. Si ça me touche, je suis rassuré... C'est très égoïste. Quand j'écris, je pense à moi. Mais c'est un bonheur absolu que de voir que du même coup, on touche les autres. Il y a quelques jours, à Brive, une dame est venue me voir, très émue, et m'a dit : "Vous avez fait parler mon père." Et ça, ça n'est pas rien.

Denis Flageul (romancier, auteur dans la collection "Léo Tanguy")
La particularité de ce dernier roman, Mal mené, c'est qu'il fait apparaître un héros récurrent, Léo Tanguy. Moi, contrairement à Franck, je suis parti du territoire, cette région qu'on appelle le Mené, et plus particulièrement de ce triangle qu'on appelle le Vau-blanc. Quand on y pénètre, on a l'impression de changer de monde. Et là, je rejoins Franck : je retrouve mon enfance. J'ai inscrit cette enquête de Léo Tanguy dans ce triangle-là. Le lieu est en lui-même chargé d'histoire et de mystère, de paysages qui font vibrer ma fibre d'enfant. Il y a aussi des personnages qui sont des héros contemporains, que je fais entrer dans ce lieu isolé du monde. Mais les problèmes posés sont des problèmes d'aujourd'hui, des problèmes de travail par exemple. Je n'avais pas l'intention de faire un roman militant. L'histoire ne met pas en scène des problèmes de pollution ou de culture intensive, mais le territoire où elle se déroule a tout un vécu de recherche d'équilibre naturel, d'autarcie énergétique pour ainsi dire. Il fallait trouver l'équilibre pour que ces thèmes-là ne soient pas abordés frontalement.
Et oui, sur cette idée de l'égoïsme de l'écriture, je suis assez d'accord. Quand j'ai raconté cette histoire, c'est parce qu'elle me touchait. Mes personnages ne sont pas exceptionnels, ils parlent comme les gens de la ville.

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