9 février 2015

Lawrence Block, La musique et la nuit : des nouvelles de Matt Scudder

Cela faisait plusieurs années que je n'avais pas fricoté avec le privé de Lawrence Block, Matt Scudder, ex-flic alcoolique devenu détective suite à un dérapage incontrôlé de sa vie professionnelle, et au naufrage de sa vie privée. Comme souvent, le format "nouvelles" est un excellent moyen de renouer avec une vieille connaissance. Scudder est un homme attachant, comme beaucoup de perdants magnifiques. Il vit à New York, dans un hôtel de la 57e rue, seul bien sûr, et il a ses repères, des bars pour la plupart, où il retrouve ceux et celles qui constituent maintenant sa famille, son décor. Des paumés, des solitaires, fous ou sages, tristes ou gais, hommes et femmes. Ceux qui sont là tous les jours, au même endroit, et qu'on finit par ne plus voir jusqu'à ce qu'autour d'eux se noue un drame, absurde ou émouvant. Intrigues, histoires mortelles, vies fracassées ou existences tordues : voilà ce que racontent les onze nouvelles qui composent ce recueil.
Dans sa postface, Lawrence Block raconte comment sont nées ces histoires, à quel moment de sa carrière il les a imaginées. Il dit aussi comment Scudder "ne se laissait pas si facilement abandonner." Et pour nous lecteurs, c'est un peu la même chose. On a beau se dire que Lawrence Block, de par ses opinions politico-morales franchement réactionnaires, n'est pas un auteur bien fréquentable, on y revient parce qu'il n'a pas son pareil pour évoquer New York et ses acteurs de la nuit. Si la couverture du livre représente deux êtres face à face, chacun d'un côté d'une table de bar, son contenu évoque irrésistiblement ces toiles de Edward Hopper où le désespoir le dispute à la tendresse. Au fil de la lecture, on remonte le temps, celui de New York. Et à l'intérieur même de ces nouvelles, Scudder lui-même opère des flash-back sur sa vie, celle de sa ville et de son quartier. On n'oubliera pas la musique : fan de jazz comme il est, Lawrence Block ne pouvait pas ne pas lui faire une place de choix, en particulier dans la nouvelle qui donne son titre au recueil, qui démarre sur un air d'opéra, se poursuit avec Satin Doll dans un club de jazz et se termine avec un saxophoniste qui joue comme Johnny Griffin. Entre la jeune serveuse et son suicide douteux, la vieille dame au sac qui n'était pas celle qu'on croyait, en passant par le gros malin jovial qui se révèle être une ordure finie, Lawrence Block nous promène dans sa ville, et on en redemande.

Lauwrence Block, La musique et la nuit, traduit de l'américain par Alain Defossé, Calmann-Lévy, collection "Robert Pépin présente"

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