1 juin 2014

Paul Colize, l'interview en roue libre...

Après Back Up (chronique ici), qui l'a fait connaître à un plus large public, et Un long moment de silence (chronique ici), qui lui a valu plusieurs prix, voilà que Paul Colize nous offre, avec L'avocat, le nain et la princesse masquée (chronique ici), une comédie policière à rebondissements... Une bonne raison parmi d'autres d'aller cuisiner l'homme ! Venu à Paris à l'occasion du mois du polar à la librairie Joseph Gibert, il a bien voulu, après avoir débattu avec Dominique Manotti et Ingrid Astier, répondre à mes questions.

Comment considérez-vous votre dernier roman : rupture, récré, retour aux sources?
Plutôt retour aux sources. Mes premiers romans, avant Back Up, étaient des comédies policières. En fait, c'est plutôt Back Up qui constitue la rupture pour moi. D'ailleurs, c'est après Back Up que j'ai commencé à écrire  L'avocat, le nain et la princesse masquée ... J'avais besoin de souffler. J'ai écrit la moitié du livre. Puis l'idée du Long moment de silence m'est venue. Et je me suis dit : si je ne l'écris pas maintenant, je ne l'écrirai jamais. J'ai écrit le premier chapitre tout de suite, il fallait qu'il existe. J'ai essayé de continuer les deux en parallèle, mais j'ai très vite renoncé. J'ai laissé dormir L'avocat... J'ai terminé Un long moment de silence, et j'ai repris  L'avocat, le nain et la princesse masquée . J'étais tout content de retrouver ces personnages, ça m'amusait beaucoup.


Et puis il y a dans L'avocat, le nain et la princesse masquée ce jeu avec le lecteur, va-t-il identifier tel ou tel personnage ? Et ces autoportraits que vous dressez au fil des romans...
Oui, bien sûr ! D'autant que l'intrigue est un joyeux mélange de faits divers réels. C'est vrai qu'il y a un peu de moi dans tous mes personnages principaux, mais néanmoins ils sont tous très différents.

En tant que consultant, vous n'avez jamais eu envie d'écrire un roman qui se passe dans une grande entreprise ?
On en trouve quelques traces dans Le valet de cœur et dans Le baiser de l'ombre, et même dans Un long moment de silence. Mais c'est vrai que je n'ai jamais écrit de roman dont l'intrigue tourne intégralement autour du fonctionnement d'une grande entreprise. J'y ai songé pourtant... Peut-être un jour.

Est-ce que la présence très forte de l'humour et de la cocasserie dans beaucoup de vos livres pose un problème vis-à-vis de la trame narrative ?
J'ai le souvenir très clair du film L'arme fatale : on y était toujours en équilibre entre la drôlerie et le noir. J'ai pris beaucoup de plaisir à ce film, mi-comédie, mi noir. J'ai voulu aller dans le même sens. Dans mon prochain roman, ce sera un peu la même chose : une trame très noire, avec des moments très fun.

Ce prochain roman, de quel côté penchera-t-il, L'avocat ou Un long moment de silence ?
Plutôt Un long moment de silence, mais avec davantage de passages légers.

Avez-vous eu des réactions de lecteurs qui ont fait votre connaissance avec Back Up et qui lisent aujourd'hui L'avocat ?
Oui : ils sont un peu surpris... J'ai même un temps pensé à prendre un pseudonyme, et puis finalement ça n'avait aucun sens. Je veux vraiment avoir la liberté d'écrire ce que je veux. J'ai rencontré Didier Daeninckx. Quant je lui ai dit que j'allais publier une comédie il m'a répondu: "N'écris pas ça, tu vas te tirer une balle dans le pied." Je l'ai revu après et je lui ai dit "Tu sais, je l'ai écrit, mon truc!" et il m'a répondu : "Tu as bien fait, si c'est ce que tu voulais faire." Donc il y a deux types de réactions : ceux qui s'écrient : "Qu'est-ce que tu nous fais là?" et ceux qui apprécient ce côté multifacettes. Apparemment, pour l'instant, c'est la deuxième catégorie qui l'emporte, heureusement.  D'ailleurs il y a des auteurs comme Westlake et Lansdale qui ont pris le même parti, et ça ne les a pas empêchés d'avoir du succès. Je n'avais pas envie qu'on me colle une étiquette et une définition : "Colize, on a compris; il y a deux fils : un à la première personne, l'autre à la troisième personne, des retours sur l'histoire, une scène de cul toutes les 23 pages, et les titres des chapitres sont la fin du chapitre précédent." Là, en plus du ton, j'ai décidé que ce serait linéaire, écrit tout au passé simple, avec des scènes de cul qu'on pourrait faire lire à un enfant de 6 ans.

Comment avez-vous choisi votre sujet ?

En fait, c'est un mélange de plusieurs faits divers. J'ai joyeusement mélangé Lagardère, Empain et l'affaire de Monaco. Et je dois beaucoup à une amie avocate qui est spécialisée dans le divorce : toutes les histoires que je raconte dans le livre sont absolument authentiques. Et c'est la même chose pour le passage qui se déroule en Algérie : certains lecteurs ont peine à y croire, et pourtant c'est absolument réaliste.

Quelles ont été vos premières lectures, et qu'est-ce qui vous a décidé à écrire?

J'ai lu mes premiers romans à l'âge de 10 ans. Ma grand-mère vivait avec nous à l'époque, elle consommait un paquet de cigarettes et un polar par jour, qu'elle m'envoyait chercher à la bibliothèque du coin. Elle me disait "Tu prends ceux avec la couverture jaune ou avec la couverture noire. Et surtout tu ne les lis pas !" Alors bien sûr, sur le chemin du retour, je m'empressais de les lire. C'était formidable, il y avait de la violence, du sang, des scènes de sexe, les personnages disaient des mots comme "putain", "bordel"... J'ai donc lu énormément de polars dans ma vie !
Et puis une expérience professionnelle m'a décidé à passer à l'acte. A l'époque, j'étais consultant dans un groupe international qui a été revendu à des Hollandais. Et nous ne nous sommes pas du tout entendus avec ces Hollandais. A cinq, nous avons décidé de quitter l'entreprise. Il y a deux façons de quitter une entreprise: la façon noble qui consiste à donner sa démission, et la façon hypocrite, qui consiste à essayer de se faire foutre dehors. Nous avons choisi la deuxième option, et nous avons fomenté une sorte de coup d'état. Et ça a parfaitement marché... Cette histoire était tellement drôle, amusante et tragique aussi, qu'on se disait qu'il fallait l'écrire. Ce que j'ai fini par faire. Une fois le livre terminé, j'ai eu envie d'en écrire un autre.

Vous n'avez jamais pensé à quitter votre job pour vous consacrer à l'écriture, ce qui est le but de beaucoup d'auteurs?
Non, jamais. Maintenant, j'ai arrêté mon activité professionnelle, puisque j'ai 60 ans. Mais j'ai tout calculé, les pensions, les assurances, sans penser à un seul moment que mes romans marcheraient un jour. Aujourd'hui, je ne peux pas dire que je travaille; j'écris, et c'est complètement différent pour moi. C'est un plus ! Travailler et écrire sont à mon sens deux verbes complètement antinomiques.

Même s'il y a aussi de la souffrance dans l'écriture ?
Oui, bien sûr, souffrance et plaisir ne sont pas incompatibles. Je joue au badminton, je souffre beaucoup, c'est très pénible, mais j'adore ça.

Dominique Manotti, Paul Colize et Ingrid Astier répondent aux questions de Julien Guerry
(librairie Joseph Gibert Paris)
 Et si on parlait de perfectionnisme ?
Oui, je sais, je suis maniaco-dépressif... Je dépense beaucoup d'énergie pour travailler l'écriture selon mes compétences. Je relis, je réécris 10 fois, 20 fois, 100 fois. A un moment je me dis "arrête, le lecteur ne verra pas ça". Par exemple, je ne mettrai jamais deux fois le mot "ensuite" dans le même chapitre. A un certain moment, ça devient obsessionnel. Il m'arrive aussi de lire une phrase à voix haute et de trouver qu'il y a trop de "r". Donc je vais chercher des synonymes pour alléger les "r"... Quand un correcteur retrouve quelque chose que je n'avais pas repéré, cela me rend fou...

Mais même si le lecteur ne le voit pas, il le perçoit, non ?
Oui sans doute... Même si certains détails ne sont perceptibles que par une petite partie des lecteurs. Mais ça me suffit.

L'autodérision et l'autoportrait, est-ce que ça va ensemble ?

Je pense que c'est culturel : les Belges cultivent l'autodérision. Se foutre de nous-mêmes, on fait ça très bien. Quant aux autoportraits, cela m'aide, ce sont des ancrages comportementaux. Je me rappelle un jeu où on avait un squelette auquel on mettait des chapeaux différents, des chaussures, des accessoires. Mais la base restait la même... Eh bien je procède un peu comme ça.

Vos lectures du moment ?
Je lis le dernier roman de Michel Bussi, j'aime bien ce qu'il écrit et je suis impressionné par sa façon de nourrir ses intrigues.

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