6 mai 2014

Paul Colize : "L'avocat, le nain et la princesse masquée", quand l'auteur s'offre une récré

Après Back Up et Un long moment de silence, deux livres denses, construits avec une certaine complexité, abondamment récompensés et appréciés, il fallait sans doute respirer un peu. C'est ce qu'a fait Paul Colize avec ce nouveau livre qu'on peut qualifier sans hésiter de roman d'action et d'aventures. Slocombe, Coe, McEwan, Boyd se délectent du genre "espionnage". Colize, lui, se délecte d'un genre qui a fait les délices de nos parents ou grands-parents; tous ces messieurs qui dissimulaient dans leur serviette un volume de la collection Carré noir, dans laquelle paraissaient les livres de James Hadley Chase, Peter Cheyney ou Francis Ryck, auraient sans doute adoré L'avocat, le nain et la princesse masquée. Et puis c'est aussi un peu un retour aux sources pour Paul Colize : ceux qui ont lu l'auteur avant son succès retrouveront un petit goût de ses romans parus chez Krakoen (Le valet de cœur par exemple), dans le ton, l'humour et la narration.
De quoi s'agit-il donc ? Qu'est-ce qui se cache derrière ce titre aussi énigmatique que cocasse ? La jolie Nolwenn Blackwell, top model belge, ex-fiancée de footballeur, actuelle promise d'un homme d'affaires de petite taille habitué des pages people des magazines, est bien embêtée. Car son futur époux s'est fait pincer la main dans le sac. A Saint-Tropez, en galante et professionnelle compagnie, pour être plus précis. La honte pour cette impérieuse beauté qui supporte mal l'affront. Et qui décide de contre-attaquer. Elle consulte l'avocat belge spécialiste des divorces, Hugues Tonnon. Un grand type (1,93 m) élégant, brun aux yeux bleux, célibataire endurci, qui vit une liaison distante mais chaude avec une dénommée Caroline, amateur de "smooth jazz", doté de parents très bourgeois et très snobs chez qui il va goûter tous les dimanches après-midi. La description vous rappelle quelqu'un? Moi aussi. Un certain Paul Colize. Eh oui, comme il l'a fait dans Un long moment de silence, Paul Colize met en scène quelqu'un qui lui ressemble. Et se taille du même coup un bel auto-portrait en forme de caricature. Après le consultant cynique et sexiste du roman précédent, voici l'avocat snob, imbu de lui-même, séducteur à la papa, insupportable et pourtant irrésistible... de drôlerie. M. Colize pratique l'auto-dérision avec un talent certain.
Reprenons : la belle Nolwenn entraîne le snob Hugues dans son appartement, histoire de conclure l'affaire. Tous les deux boivent plus que de raison. Le lendemain matin, Hugues se retrouve chez lui, sans aucun souvenir de ce qui s'est passé pendant la nuit. Quant à Nolwenn, son rôle de femme vivante s'arrête là puisqu'elle est retrouvée assassinée chez elle. Avec tous les indices qui vont bien pour désigner un coupable évident : Hugues Tonnon. Qui ne met pas longtemps à comprendre que s'il veut se disculper, il n'a plus qu'à trouver lui-même l'assassin. Ce ne sera pas de tout repos : le voilà parti à Paris pour commencer, où il se retrouve mêlé à un autre assassinat : celui de l'agent de Nolwenn. La course poursuite va continuer : Afrique du Sud, Maroc, Hugues Tonnon se découvre des talents d'aventurier, surtout depuis qu'il est flanqué de la belle et très agaçante journaliste Christelle Beauchamp, qui décide de l'accompagner dans sa mission de détective international.
Alors bien sûr, on s'amusera au jeu du qui est qui. Qui est cet homme d'affaires de petite taille ? Celui dont on craint qu'il ne soit pas tout à fait capable de diriger l'empire dont il a hérité ? Pas de nom, s'il vous plaît... Paul Colize s'amuse, il joue à cache-cache avec ses personnages et avec ses lecteurs. Il raconte une histoire rocambolesque, mais il le fait simplement, avec un récit qui a un début, un milieu et une fin. Pas de chausse-trappe narrative, pas de construction tordue: des personnages cocasses, hauts en couleurs, des rebondissements comme s'il en pleuvait, un tour du monde en un mois à peine, des vilains, des femmes fatales, des traîtres, des courses poursuites, des intermédiaires douteux. Tout ce qu'il faut pour construire un vrai roman d'aventures, avec en prime un sens de l'humour tantôt absurde, tantôt pince-sans-rire qui donne à ce livre un charme très particulier. Une prime pour le passage où Hugues Tonnon découvre qu'il devra voyager sous l'identité d'un accordéoniste musette: le comble de la honte pour ce snob absolu ! L'avocat, le Nain et la Princesse masquée est une surprise, certes, mais une réussite. Avec à la clé, une question : que nous prépare donc Paul Colize pour son prochain roman ?

Paul Colize, L'avocat, le nain et la princesse masquée, La manufacture de livres

2 commentaires:

  1. Merci pour ce beau point de vue.
    Merci aussi pour le reste , interview, chroniques, compte rendu de débats, salon...
    Bref merci pour ton blog. J'adore.

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