14 juin 2013

Quand Patrick Raynal se prend pour Ian Fleming : Au service secret de Sa Sainteté

Ouvrir le dernier roman de Patrick Raynal, c'est voir affluer une vague de souvenirs de lecture, et au bout de quelques pages, on se prend à se demander pourquoi il a mis autant de temps à nous offrir Au service secret de Sa Sainteté. Dès le titre, le côté farceur du personnage s'impose. Le James Bond de Patrick Raynal s'appelle Jonathan Swift, ça commence bien. Il faut dire que le roi de l'ironie est bien à sa place dans cette histoire à rebondissements. Jonathan arrive au Vatican, tout frais débarqué de sa paroisse africaine. Ce n'est pas un prêtre comme les autres, puisque dès l'adolescence, il s'est engagé dans une vie de révolutionnaire peu compatible avec son contexte familial hautement bourgeois. Au bout de 15 ans d'une vie d'activiste, il finit par rencontrer Dieu sous la forme d'un séjour d'un an dans un monastère de trappistes, et  par devenir prêtre, pas tout à fait dans les règles, mais avec l'aide de sa mère, qui a le bras long. Depuis, il exerce son sacerdoce au Burkina Faso. C'est là qu'il reçoit une convocation du Saint Siège... Pour une mission ultra-secrète et sans doute dangereuse : dissuader Son Altesse Sérénissime René IV, qui règne sur une principauté d'opérette située sur un îlot méditerranéen, de demander la béatification de feue son épouse Lisa, morte dans un accident de voiture et objet d'un véritable culte chez les braves habitants de la Principauté. Mais qu'y a-t-il derrière cette demande? C'est ce que va découvrir notre héros, au détour de péripéties auxquelles on n'associe pas nécessairement un membre du clergé.
Voilà donc notre agent très spécial parti pour la principauté, où il est accueilli à bras ouverts par la famille princière, qu'il a bien connue dans sa jeunesse. La mission n'est pas facile, il faut donc emprunter des voies détournées, ce qui ne gêne absolument pas l'ami Jonathan, habitué aux faux-semblants. Flanqué de son acolyte Marco, Jonathan va déjouer avec un brio certain les manigances de Son Altesse et de son homme de main Ferrandi, militaire ultra-décoré digne d'un album de Blake et Mortimer... Raynal ne nous épargne rien : scènes d'amour hot, descentes de corniche en Austin Healey MK3, et on en redemande. Et bien sûr, il distribue à la volée quelques baffes bien senties au Vatican, aux banquiers, aux promoteurs, et à cette principauté dont vous aurez tous deviné qu'il ne se donne pas beaucoup de mal pour la déguiser. Clins d’œil à ses confrères auteurs de polar (Machiavelli), complaisance taquine envers les plaisirs de l'argent, Raynal n'a rien perdu de son côté subversif, ni de son humour ravageur. Le lecteur, lui, a tout à y gagner. Et en prime, l'auteur nous offre une fin en forme de conte voltairien, ou swiftien, comme vous voudrez.

Patrick Raynal, Au service secret de Sa Sainteté, L'écailler
Le roman a remporté le prix Arsène Lupin 2013

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