2 janvier 2013

Avec Nécrologie, Paul Cleave torture son lecteur... consentant

Le nouveau Paul Cleave sort dans quelques jours, les fans sont en transe ! Ils vont être servis... Déjà dans Un père idéal, Cleave nous avait sevré de l'humour noirissime qui faisait de L'employé modèle un roman dont la cruauté extrême était pimentée par le sourire en coin qu'il savait nous arracher aux pires moments de l'action. Oui, décidément, Cleave s'en va vers le noir, le très noir, voire le cauchemardesque. Une fois Nécrologie refermé, on éprouve un sentiment vaguement nauséeux, une fatigue extrême d'avoir passé 430 pages avec un auteur qui ne nous a laissé aucun répit, nous maintenant tout au long du roman dans une atmosphère lourde, menaçante, crépusculaire. N'empêche, on n'a pas lâché l'affaire, car Paul Cleave a un sens du rythme confondant !

Pendant que les autorités de Christchurch s'escriment à essayer de coincer le fameux Boucher, tueur en série dont il est largement question dans L'employé modèle, Theodore Tate, ex-flic devenu détective privé, est occupé à superviser l'exhumation d'un riche homme d'affaires, dont la fille soupçonne que la mort n'est pas exactement accidentelle... M.Tate n'est pas à proprement parler un homme épanoui. Il a perdu sa fille Emily quelques années auparavant, victime d'un chauffard. Quant à sa femme, qui était avec Emily au moment de l'accident, elle vit maintenant dans un établissement hospitalier, réduite à l'état de légume. Tate ne va pas bien, il est alcoolique, inconsolable, désespéré, terriblement seul. Et en plus il pleut... Dans ce roman, il pleut sans arrêt sur Christchurch, qui joue son rôle habituel de ville à deux visages, la ville jardin qui est aussi la ville où les ados sniffent de la colle voire pire, où le crime est omniprésent... La boue, la pluie, le cimetière... Et le lac près du cimetière. Dans le cercueil où est supposé se trouver l'homme d'affaires, on retrouve quelqu'un d'autre. Déjà, ça n'est pas bien normal... Mais quand des cadavres se mettent à remonter à la surface du lac proche du cimetière, rien ne va plus. En principe, la police devrait prendre les choses en mains. Mais Theo Tate est fasciné par cette histoire, et rien ne pourra l'empêcher, en bon suicidaire qu'il est, de s'y plonger tête la première pour résoudre l'affaire avant ses ex-copains flics. Pour commencer, il manque se noyer dans le lac boueux d'où surgissent des cadavres qui n'ont rien à faire là.
Tate est un cas d'école pour psychanalyste : son sentiment de culpabilité est permanent, son masochisme et son attirance pour l'échec l'amènent à des extrémités qu'on n'ose même pas imaginer. L'intrigue, particulièrement tortueuse, ne résistera pas à son entêtement, mais n'importe qui d'autre perdrait dans cette aventure sévèrement horrible le peu d'équilibre qui lui reste. Il faut dire que Cleave prend un plaisir sournois à peaufiner des descriptions spécialement vomitives de corps en décomposition ou en souffrance. Car Theodore Tate va en voir de toutes les couleurs... Pourquoi alors ne peut-on s'arrêter de lire? Cleave saurait-il révéler chez son lecteur les pulsions les plus morbides ? Aurait-il le talent très spécial de nous terroriser tout en nous forçant à céder à la fascination qu'exerce son personnage principal, qui, s'il se révèle franchement antipathique, réussit à nous agripper et à nous contraindre à l'empathie? Très fort, ce Paul Cleave...

Paul Cleave - Nécrologie - Traduit de l'anglais par Fabrice Pointeau - Sonatine éditions

2 commentaires:

  1. Quand même, c'est un roman un peu décevant. A force de traîner dans un cimetière, on finit par s'y habituer et puis tous ces meurtres dans des tombes.... C'est un peu lassant. Quant à ce prêtre, père de 8 enfants du même âge -ou presque-, c'est un peu excessif!
    Les polars, c'est bien quand c'est horrible mais on a bien plus peur quand c'est vraisemblable!

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  2. Vraisemblable ? Je ne suis pas une lectrice vorace de thrillers qui font peur, j'ai donc peu de pratique de l'effroi, tout du moins du "suspense haletant". C'est sûrement pour ça que je me suis dit que tant de noir cachait sans doute quelque chose.... et ça, ça m'intrigue.

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