16 décembre 2012

Quand Ken Bruen et RF Coleman co-signent "Tower", le hard-boiled est au rendez-vous

Inutile de vous présenter Ken Bruen, j'imagine, puisque nous en avons parlé ici maintes fois. En revanche, Reed Farrell Coleman fait son entrée sur le Blog du polar à l'occasion de la parution chez Rivages / Noir du roman à quatre mains qu'il signe avec Ken Bruen, Tower. Coleman, auteur américain de polars "hard boiled", comme il le dit lui-même, peut se vanter d'avoir reçu moultes récompenses (Shamus Award,Macavity, Barry et Anthony Awards, nomination aux Edgar Awards). L'homme est également poète, ce qui n'est pas si courant parmi les auteurs de polars. Il est surtout connu pour sa série des Moe Prager, ex-officier du NYPD à la retraite, dont le premier volume, Angle obscur, a paru en 2001.
Tower est un roman à deux voix : celle de Nick, d'origine irlandaise, fils de flic et bientôt enrôlé dans la bande de Boyle, irlandais certes, mais surtout gangster sans pitié, et celle de Todd, son ami d'enfance, d'origine juive. Naturellement, c'est Ken Bruen qui parle pour Nick, et Coleman pour Todd. Construit en deux parties avec des flash-backs qui jettent des éclairages décisifs sur le passé familial et l'amitié des deux hommes, ce roman est aussi un récit à la Rashomon, où chaque protagoniste raconte en parallèle l'histoire à sa manière.
Sur fond de Brooklyn, les deux hommes ont grandi ensemble, et ont affronté ensemble des difficultés familiales assez considérables, qui n'ont fait que renforcer leur lien. Et quand il s'agit d'affronter la plus effrayante des bandes, celle de Boyle et de son bras droit, l'horrible Griffin, irlandais, ancien activiste de l'IRA devenu le plus froid et le plus cynique des gangsters, l'union ne fait plus vraiment la force. De quel côté est Nick, de quel côté est Todd? Inutile de me torturer, je ne vous le dirai pas. Toujours est-il que le destin de ces deux hommes va se jouer dans le sang, la violence, la trahison.

De chaque côté des deux amis, des héroïnes féminines qui n'ont rien à envier à celles des grands classiques pour lesquels les deux auteurs nourrissent une fascination certaine. Les chapitres sont précédés d'exergues signés d'auteurs contemporains comme Jason Starr, Jake Arnott, Ray Banks mais aussi Kierkegaard ou Sylvia Plath. La littérature est au cœur du texte aussi, avec un hommage appuyé à Charles Dickens côté Ken Bruen, et aux grands du roman "hard boiled" Hammett et Chandler côté Coleman. Bruen ne se prive pas de ses habituelles et délectables citations musicales : au programme, The Clash, Randy Newman ou Tupac Shakur. Tower est une plongée infernale dans la violence inouïe que font régner Boyle et ses "boyos", sbires à l'irlandaise qui n'ont rien à voir avec la bucolique verte Erin  ... Boyle dont la lecture préférée est la Bible, et qui va précicipiter les deux amis d'enfance dans un tumulte de violence extrême, de perversité et d'horreur. La construction du roman n'a rien d'artificiel, et n'empêche pas ce livre d'être un véritable concentré d'action, de rapidité, d'écriture parfaitement maîtrisée, de tragédie et de désespoir à couper au couteau. Le roman s'offre une fin totalement bluffante. Il serait dommage de ne pas évoquer le traducteur, Pierre Bondil, dont le texte magistral rend parfaitement justice aux deux auteurs, à leurs différences comme à leur complémentarité.

Ken Bruen et Reed Farrel Coleman, Tower, traduit par Pierre Bondil, Rivages / Noir

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