23 avril 2012

"Raclée de verts", une fantaisie en noir et vert signée Caryl Férey

En 2006, Jean-Bernard Pouy créait pour les éditions La Branche une collection de romans courts dont tous les auteurs se devaient d'avoir publié dans la Série noire de Gallimard. Même la couverture de ces livres cartonnés était un hommage à la fameuse collection. De plus, les titres des romans devaient rappeler des œuvres publiées en Série noire. C'est ainsi que le numéro 1 de la collection, signé Didier Daeninckx, s'appelait On appelle bien les disc-jockeys, en hommage au On achève bien les chevaux de Horace McCoy.
Parmi les auteurs qui ont participé à cette aventure, Marc Villard, Patrick Raynal, Tito Topin, Romain Slocombe, Chantal Pelletier... Certains titres de la collection ont été adaptés en 2008 et 2009 pour la télévision dans le cadre de la série "Suite noire". Vous vous rappelez peut-être Tirez sur le caviste, avec le monumental Niels Arestrup, adapté par Emmanuelle Berçot d'après le roman de Chantal Pelletier.

La contribution de Caryl Férey est un délire en noir et vert sur fond de football, baptisée Raclée de verts (en hommage à la Clé de verre de Dashiell Hammett). Et on a la sensation que Férey s'est vraiment bien amusé à écrire cette pochade très noire et très drôle qui a pour cadre le Saint-Etienne des Verts. Le personnage principal est un fondu de football. Il vit seul avec son vieux chien Janvion, dans un petit pavillon de banlieue qu'il a hérité de ses parents. Dès les premières pages, on comprend que notre homme n'est pas quelqu'un qui gagne sa vie comme vous et moi. Il tient compagnie à une vieille dame en chemise de nuit brillante, et lui fait la conversation, si on peut dire. Bref, il veut lui faire avouer le lieu où elle cache son magot. Peine perdue... Agacé, il finit par étrangler l'octogénaire avec ses rideaux, et s'en retourne fissa chez lui : il ne veut pas rater le début du match. Voilà, le décor est planté. Le héros de ce roman est complètement azimuté, ça n'est rien de le dire. 95 pages durant, le lecteur incrédule va assister à la petite vie de ce malade fanatique pour qui la mort d'une vieille bonne femme, ça n'est rien qu'un moyen de subsistance. Pas exigeant, le bonhomme, d'ailleurs : il n'a pas de goûts de luxe, il lui suffit de pouvoir manger, donner à manger à Janvion, et regarder ses matches. Alors bien sûr, il a bien quelques sautes d'humeur, quand son équipe favorite se prend une raclée... Jusqu'au jour où commence la métamorphose. Métamorphose, c'est le mot juste pour décrire ce qui va arriver à notre héros, et qui est littéralement kafkaïen. Bien sûr, je vous laisse découvrir le fin mot de l'histoire. Caryl Férey s'est véritablement défoulé dans ce texte : pas de limites, une vision glaçante de la vie au-dehors, les monologues intérieurs du héros qui ouvrent devant nous des abîmes de folie et de solitude, sa façon de voir dans tous les êtres humains qu'il rencontre des réincarnations de héros du foot... Férey nous raconte une névrose à sa façon, avec un humour qui claque et qui fait mal.
Caryl Férey, Raclée de verts, collection "Suite noire", éditions La Branche

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