6 février 2012

Minuit, l'heure des crimes et châtiments sur France 3

Autrefois on appelait cela le cinéclub. Il y avait un petit côté privilégié dans cette séance de rattrapage pour initiés. Aujourd'hui seule l'heure est restée la même: tard... très tard... trop tard pour ceux qui se lèvent dès potron-minet. D'autant que la perle que nous avait réservée France 3 hier soir durait 110 mn ce qui n'est pas courant pour un film de 1935. C'est donc à 2h05 que j'ai quitté l'univers angoissant de Crime et châtiment, un film de Pierre Chenal en noir et blanc pour retrouver le calme apaisant du noir dans mes draps blancs.
Tout le monde ou presque a un jour ou l'autre mis son nez dans ce texte historique de Dostoïevski, un monument de la littérature russe du XIXe siècle qui est même le livre de chevet d'un certain Rebus, cela rappellera forcément quelque chose aux habitués du blog. Dans mon cas c'était il y a fort longtemps et je n'ai qu'un très vague souvenir du texte de Dostoïevski en revanche les personnages sont définitivement ancrés dans mes souvenirs en particulier le face à face de l'étudiant et du magistrat qui est un morceau d’anthologie. Un jeu du chat et de la souris entre le criminel (l'étudiant Raskolnikov) et l'enquêteur (le juge Porphyre) qui m'a semblé moins terrifiant dans ce film que dans le roman. Certes Pierre Blanchar tout en gros plans et ombres incrustées, éclairé en clair-obscur comme savaient le faire les réalisateurs encore imprégnés de l'univers du muet est parfait dans le rôle torturé du criminel mais je n'ai pas retrouvé le duel implacable, psychanalyse de confessionnal, qui m'avait autrefois tant fait peur. Curieux que ce film ait été déconseillé aux moins de 16 ans car aujourd'hui des scènes de violences bien moins stylisées et beaucoup plus crues sont à peine interdites au moins de 12 ans. En plus c'est un livre qui fait certainement encore partie du programme des lycéens et ce film proposant une approche intéressante ne peut que donner envie aux ados de se plonger à fond dans le texte originel. En tout cas j'ai adoré cet univers romantico-théâtral d'une Russie à la pauvreté endémique (tiens cela n'a finalement pas tant changé que cela) avec ces escaliers délabrés en demi-teinte, ces rues aux arcades mystérieuses peuplées d'ombres sournoises, ces cabarets enfumés et alcoolisés. Mais ce qui m'a le plus surpris c'est la modernité du jeu d'Harry Baur contrastant singulièrement avec les mimiques figées de Pierre Blanchar qui a pourtant obtenu la coupe Volpi d'interprétation de 1935 pour ce rôle. Le face à face était perdu d'avance, Rodion Raskolnikov, halluciné, les yeux exorbités dans une folie intérieure contrastait singulièrement avec Porphyre, roublard joué dans la simplicité et le naturel qui devaient séduire les spectateurs de l'époque habitués aux textes déclamés. Les personnages féminins sont moins saisissants notamment avec le rôle de la vieille usurière qui est à peine esquissé. La prostituée rédemptrice interprétée par Madeleine Ozeray a quant à elle un petit côté sainte Blandine baignant dans une lumière angélique qui manque de subtilité. On se serait attendu à quelque chose de plus recherché de la part du réalisateur dont la mise en scène joue essentiellement sur les émotions brutes. En tout cas, France 3 a parfaitement joué son rôle d'agitateur de neurones car maintenant je me sens obligé de me replonger dans ce roman qui est un thriller avant l'heure et peut fièrement tenir sa place au panthéon des polars.

2 commentaires:

  1. je n'est pas pu le regarder, il était trop tard (cour a 8h)... où pourrais-je le voir ?!

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    1. J'ai vérifié et le film est toujours dispo sur le site internet de la FNAC (rubrique DVD).

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